Cela nous arrive souvent. Les personnages, l’ambiance, les situations dans certains livres sont tellement bien décrits, sont si crédibles qu’on a l’impression de vivre quelque chose de réel, et on a la tendance d’oublier que derrière cette écriture il y a un auteur, et se sont ces passions, ces sentiments et son expérience qui donnent la vie et l’illusion de la réalité au contenu du livre. Mais pourquoi les vrais événements en passant par la conscience de l’auteur se transforment t’ils dans ces écritures d’une certaine manière, et pas d’une autre?

Olympia Alberti Festival du Livre , présentation livre de Marguerite Duras avec Larina TranslationJ’ai toujours admiré Marguerite Duras, depuis mon adolescence j’étais beaucoup passionnée par ses romans dans lesquels on entend la voix de l’éternité, mais j’ai toujours eu une sensation bizarre comme si quelque chose m’échappait. Devant les textes de Marguerite Duras j’avais l’impression comme si j’étais devant un paravent asiatique et je voyais clairement des images dessinées sur le soie, j’ai admiré leurs couleurs et leurs formes, mais je ne pouvais jamais apercevoir ce qui était derrière ce paravent, j’ai flottée à la surface des textes magnifiques d’une des plus grandes écrivaines françaises du XXIème siècle, je ne pouvais comprendre que la moitie de leur contenu … jusqu’au jour quand j’ai découvert le livre d’Olympia Alberti “Marguerite Duras, une jouissance à en mourir”, biographie “romancé”.

Apprendre plus sur l’auteur et sa vie c’est un moyen de redécouvrir ses œuvres et d’encore mieux les apprécier, car cela nous permets d’interpréter ses messages intérieurs, ainsi on comprend mieux ses associations, son langage personnel et l’origine de certains de ses personnages.

Mais que peut-on dire de ce qui n’a pas encore été dit sur une écrivaine si connue comme Marguerite Duras? Le livre d’Olympia Alberti n’a rien à voir avec un récit biographique “classique” – narrateur objectif qui raconte la vie d’une personne célèbre, dizaines et centaines de pages chargées de dates et de prénoms. Qu’est ce que l’on retient au final après la lecture des récits de ce genre? Peut-être, que l’on apprend plus sur les faits de la vie d’une personne, mais est-ce que cela nous aide à mieux connaitre la personne au plus profond d’elle-même? Non, la personne reste “célèbre et inconnue” (page 19 “Une jouissance à en mourir”).

Olympia Alberti a choisi une autre manière pour raconter l’histoire de la vie de l’écrivaine dont elle était une amie. Olympia Alberti à donné la parole a Marguerite Duras elle-même. Le livre est construit comme un monologue intérieur de Marguerite Duras, qui le jour de l’automne, sous la mélodie de la pluie, est en train de “réfléchir a ce qu’avait été sa vie”.

Les images du passé surviennent dans la tête de la veille dame: son enfance, les gens qu’elle a aimés et qui ont influencé ses choix, son premier amour… Les bruits de la pluie dehors se fondent dans les bruits du Mekong, dans d’autres souvenirs… Les images arrivent l’une après l’autre…La grande rivière, les arbres exotiques, les rizières. Toutes les odeurs de son enfance, “les épices, les goyaves enivrantes, les mangues vertes…”, de “l’enfance volée, à jamais..”. Sa “mère désespérée”, son petit frère, “la violence de domination du grand frère”, le Chinois, l’amour de sa vie… Un jour Marguerite Duras obtiendra le prix Goncourt pour son roman “L’Amant” ou elle racontera l’histoire de cette passion, la passion qui a déterminé son future chemin, comme la douleur de cette séparation qui vivra toujours dans son cœur et dans son âme et un jour elle décidera de “donner sa douleur aux autres” à travers l’écriture.

Les pensées s’enchainent, remontent en spirale… Marguerite Duras réfléchit sur les questions les plus intimes et les plus philosophiques: qu’est-ce que l’amour? Est-ce que Dieu existe et que restera-t-il après la mort? Comment est née l’envie d’écrire? A quoi cela sert, l’écriture, “son infini”, “à quel fil d’or invisible en partie déterminé tenaient les choix, dans la vie”?

Olympia Alberti reproduit le rythme des phrases de Marguerite Duras, son vocabulaire, sa sensibilité. On dirait que c’est Marguerite Duras qui prépare un scénario pour un futur film sur sa vie. “Les années avaient passé, et souvent elle avait pense aux photographies dispersées ou absentes de ce temps-la, aux images manquantes”… Ce livre, “Marguerite Duras, une jouissance à en mourir” nous donne une image manquante de Marguerite Duras, c’est un voyage au fond de sa mémoire… Et cela n’est pas “une escroquerie littéraire”, quand l’auteur de biographie fait des suppositions. Olympia Alberti reste fidèle à Marguerite Duras, son livre est basé sur les vraies conversations, les vrais dialogues qu’elle avait avec l’écrivaine, quand elle l’écoutait pendant des heures. Comme Olympia Alberti l’avoue, “c’est elle {Marguerite Duras} qui parle, mais c’est moi qui ‘écris”. Et elle le fait avec beaucoup de talent et de délicatesse, elle se glisse dans la peau de la personne qu’elle admire infiniment pour mettre en avant les talents et la fragilité humaine de cette personne plutôt que son propre travail en tant que bibliographe et spécialiste de littérature. Le livre d’Olympia Alberti est un récit “émotionnel”, lyrique et sensuel – pendant une journée le lecteur reste tête-à-tête avec Marguerite Duras, en la suivant dans toutes ses pensées et dans tout ses petits gestes quotidiens – il observe même avec elle son corps dans le miroir (“son regard glissant sans apitoiement sur son corps fatigué et vieilli, qui revenait comme l’objectif d’une camera”).

Le livre d’Olympia c’est un “biographie du cœur” qui permet de faire la vraie connaissance avec une des plus grandes auteures françaises, de parcourir avec elle son chemin et voir en elle non seulement une personnalité qui a beaucoup marqué la littérature du XXIème siècle, mais avant tout une femme, qui aimait et qui a été aimé et qui consacrera la plus grande partie de sa vie à l’écriture, car l’écriture était pour elle “l’amour, les passions, les enfants, la beauté et les rêves”…

Oui, pour un auteur l’écriture est une quintessence de sa vie, et pour un lecteur c’est un grand travail de décodage, c’est une recherche constante et pertinente de clés pour ouvrir les portes du monde de l’auteur. En quelque sorte le livre d’Olympia Alberti est devenu pour moi “un telle clés” pour entrer dans le jardin secret de Marguerite Duras, afin de pouvoir plonger pleinement dans son univers et parcourir à nouveau les pages de ses romans ou je suis sur que plusieurs découvertes m’attendent…